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Faire équipe avec les familles

Souvent perçues comme

envahissantes (elles sont là et font comme si elles savaient mieux que les soignants),

encombrantes (elles peuvent freiner les soignants dans leur travail),

critiques (elles mettent en question l’efficacité du travail),

désengagées (elles viennent rarement et quand elles sont là c’est pour faire des remarques sur le travail des soignants),

angoissées (elles pensent que leur proche n’est pas bien traité ou pas assez bien), agressives (elles s’adressent aux soignants en les prenant de haut et en leur parlant comme s’ils étaient à leur service),

interpellantes (elles remettent en question l’organisation du travail),

pénibles (elles ne cessent de se plaindre),

inadéquates (elles apportent biscuits et chocolat alors que le résident est diabétique et que cela leur a été dit),

méfiantes (les changements leur semblent bizarres),

les familles peuvent représenter une charge pour les soignants.

 

Allons voir du côté des familles…

« Je vais vérifier les habits pour voir s’il en manque. »

« J’ai peur qu’il ne fasse une chute, je vais demander qu’ils l’attachent dans son fauteuil. »

« Si je contrôle tout, si je pose plein de questions, ils comprendront qu’ils doivent bien s’occuper de mon proche. »

« A chaque fois que je viens, il est devant la télévision et est à moitié endormi, ils ne font rien pour l’intéresser et le stimuler »

« Mon proche devient agressif quand il me voit, il faut absolument lui donner un calmant, il faut en parler au médecin »

« Quand je pose des questions, les soignants disent qu’ils ne savent pas répondre à mes questions et qu’il faut s’adresser à quelqu’un d’autre »

«  Il dort quand je viens et chaque jour c’est la même chose, sans doute lui donnent-ils un traitement pour qu’il ne bouge pas et ne fasse pas de bruit »

«  Des  petits  biscuits et un petit peu de chocolat ne peuvent pas lui faire du mal, même s’il est diabétique, c’est tout ce qui lui reste comme plaisir et comme cela, il pensera à moi »

« Ils l’ont changé de place au réfectoire, ils le rejettent ? »

« Il manque toujours au moins un pyjama et plusieurs essuies, je me demande ce qu’ils en font »

……….

Les ingrédients sont là pour que soignants et familles puissent aisément se disputer, ne pas se comprendre, se méfier l’un de l’autre, manquer de considération l’un pour l’autre, se critiquer, se juger, se fabriquer des tensions multiples et variées.

Lorsque l’on fait une photo, c’est à dire lorsque l’on porte son regard et son attention sur quelqu’un ou quelque chose, on va essayer plusieurs angles de vue pour finalement choisir celui qui nous convient le plus.

Pour une même photo, les angles de vue sont nombreux.

Un photographe a eu l’idée très intéressante de demander à une trentaine de photographes de prendre, au même instant, la photo d’un moment dans une cour où se trouvaient plusieurs enfants. Puis le photographe a exposé toutes les photos de ce même instant : on peut voir une trentaine d’approches différentes qui apportent autant d ambiances, d’émotions, de sensations, de perspectives, de nuances, d’interprétations de ce même instant.

Nous pouvons avoir la même démarche avec les familles ; les approcher et les voir sous des angles différents.

Lorsque le soignant « se dispute » avec une famille et qu’il essaie, souvent en vain, de justifier la perte d’un pyjama ou d’une paire de chaussettes, il entre dans une escalade symétrique avec la famille et l’un des deux terminera perdant ou vaincu.

Trouver un autre angle d’approche…un autre angle de vue, aller chercher ce qui est juste derrière l’objet de tensions est un moyen d’aborder la famille d’une autre manière.

Mais comment faire ?

Ecouter les reproches ou les doléances et les reformuler

Rester centré sur le résident, ses compétences conservées, ses côtés positifs et encourageants

S’intéresser à l’histoire du résident et de sa famille, poser des questions

S’intéresser à l’état émotionnel du proche qui est présent, ce qu’il pense, ses peurs pour son proche mais aussi ses propres peurs par rapport à la maladie, l’hérédité…

 

Ces différentes étapes vont permettre au soignant et au proche de se rejoindre et donc de créer une alliance autour du résident. De cette manière la famille, les proches sont intégrés  au système  soignant-résident. Cela permet de faire équipe avec la famille autour du résident.

Prendre ce temps de « joining » peut aider à éviter des tensions et discussions concernant des broutilles et tellement chronophages.

 

La famille est assez souvent vue comme intrusive par les soignants et l’institution. En effet, elle vient souvent interroger le fonctionnement de l’institution, le sens de ce qui est proposé et fait.

La famille vient apporter ses valeurs, ses habitudes et ses contraintes dans l’institution qui a elle aussi ses propres valeurs, ses propres habitudes et ses propres contraintes. Il va falloir trouver des compromis, des terrains d’entente, des façons de s’accorder.

Que la famille vienne dans l’institution et interroge le système institutionnel est intéressant justement parce qu’elle questionne le sens de ce qui est proposé, cet élément extérieur vient poser son regard sur le fonctionnement de l’institution. C’est intéressant et dynamisant pour l’institution car si personne n’interroge l’institution, celle-ci prend le risque de fonctionner comme une secte, repliée sur elle-même et toute puissante.

Encore un autre angle de vue.

Faire équipe avec la famille, la considérer aussi comme une ressource dans l’accompagnement du résident et prendre le temps de construire tout cela va limiter le temps passé en gestion des tensions tant avec le résident qu’avec la famille. C’est un gain de temps à moyen et à long terme et un allègement de la charge mentale à tous les niveaux.

Au niveau de l’institution, cela demande un travail de réflexion. Les contacts avec la famille sont-ils « chasse gardée », réservée à une fonction ? Qui peut s’adresser à la famille ? Que peut-on dire ou ne pas dire à celle-ci ?

Tous les soignants devraient avoir la possibilité d’acquérir la compétence et les qualités d’écoute afin de décoder la ou les difficultés ou demandes des familles et y répondre, ou accompagner les familles vers l’interlocuteur adéquat.

Marie-Philippe HAUTVAL

            Psychologue et psychothérapeute systémique

                                   Formatrice et superviseuse

                                                                                   Mai 2019

 

Le CEFEM propose une formation d’une journée à l’accompagnement et à la communication avec les familles