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Les limites des séjours d’hospitalisation en soins palliatifs : une réalité pas toujours facile à vivre pour les patients comme pour les familles.

Aperçu d’un service de soins palliatifs pour adulte au sein d’un hôpital. 

Une réflexion d’Anne-Gaëlle Baudot, assistante sociale et formatrice au CEFEM.

 

J’ai eu l’occasion de travailler pendant 6 ans en tant qu’assistante sociale au sein d’un service de soins palliatif de 12 lits.

L’équipe pluridisciplinaire dont j’ai fait partie est animée par les valeurs qui fondent la philosophie des soins palliatifs :  le « prendre soin » dans ses différents aspects : physique, psychologique, social, spirituel/existentiel.

Les logiques de rationalisation et l’informatisation du processus de soins ont modifié considérablement le métier de soignant ces dernières années. Malgré ces évolutions, dans une approche globale du patient, l’équipe pluridisciplinaire reste animée par la valorisation de la dernière étape de la vie et par un idéal humaniste qui inscrit la relation au cœur des soins.

L’entrée au sein du service de soins palliatifs (SP) est souvent redoutée et extrêmement éprouvante pour la plupart des patients et leurs proches. La qualité des soins qui y sont octroyés, et les qualités d’être de tous les accompagnants, en font, au final, pour une grande majorité, un espace « cocon » où patients et familles se sentent en sécurité, accompagnés et soutenus sur les plans social, psychologique et parfois spirituel.

Dans un nombre considérable de situations, le conjoint ou la famille connaissent un épuisement dû au parcours de soins du patient et/ou au maintien à domicile devenu trop compliqué. L’hospitalisation de leur proche dans ce service leur permet souvent de se re-poser, d’être soutenus moralement et entendus dans leurs difficultés par la psychologue comme par les autres membres de l’équipe et les bénévoles. Beaucoup de personnes expriment être touchées par l’attention bienveillante dont elles ont bénéficié dans le service, si précieuse dans ces moments particulièrement difficiles et confrontants.

 

La limitation du temps de séjour.

Malheureusement, pour un certain nombre de personnes en situation palliative, l’hospitalisation est limitée dans le temps. Beaucoup nourrissent l’idée que le patient peut séjourner en unité de SP jusqu’à son décès, s’il le souhaite. En réalité, après deux semaines minimum, l’état de santé du patient est évalué sur le plan médical. Si son état de santé est jugé suffisamment stable, il devra quitter l’hôpital. 

Au vu de la sécurité qu’offre le service de SP pour la gestion des symptômes physiques et au vu de la qualité de l’accompagnement pluridisciplinaire, il arrive que cette sortie ne soit pas désirée ni par le patient, ni par ses proches. Dans ces circonstances, pendant l’hospitalisation, l’éventualité de devoir quitter l’hôpital est vécue par ceux-ci comme une incertitude difficile à vivre, voire une forme pression.

Toutefois, dans la philosophie des soins palliatifs, l’équipe vise à respecter au mieux la temporalité du patient et celle de ses proches. Ce temps donné est précieux pour leur permettre d’intégrer la réalité d’une sortie, si elle se confirme, et pour concevoir le meilleur projet possible au regard de la situation toujours unique du patient.

En ce sens, les différents points de vue des membres de l’équipe pluridisciplinaire sont précieux pour envisager un projet de sortie le plus adapté possible aux besoins de la personne sur les plans médical et infirmier, adapté à sa mobilité et à son degré d’autonomie. Il s’agira aussi de tenir compte de sa situation sur les plans psychologique, familial, social et financier.

Selon ces nombreux paramètres, soit un retour à domicile est organisé, retour à domicile parfois souhaité, soit une entrée (ou un retour) en Maison de Repos et de Soins (MRS). Une entrée au sein de la seule structure intermédiaire existante à Bruxelles est parfois une option pour des patients plus jeunes. 

Face à la vulnérabilité de leur parent en fin de vie, beaucoup de familles et de patients se montrent naturellement anxieux devant les enjeux que recouvrent les soins palliatifs en dehors de l’hôpital. L’accueil des interrogations, des peurs et des appréhensions est essentiel dans ces situations. Il s’agit de beaucoup dialoguer, d’exposer parfois les réalités institutionnelles et de re-contextualiser aussi souvent les soins palliatifs au sein de notre système de soins de santé en Belgique. 

Certains patients arrivent aussi à mobiliser leurs ressources pour être véritablement acteur de leur projet de fin de vie à travers les choix qu’ils posent et la façon dont ils vont concevoir l’organisation de leur quotidien, les démarches à entreprendre et la réalisation d’éventuels souhaits pour le temps qui reste à vivre.

Quelques soient le projet de sortie, la participation du médecin traitant est fondamentale. 

La mise en place d’une seconde ligne palliative souvent nécessaire et rassurante pour le patient comme pour les familles.

Notre système de sécurité sociale comme notre système de soins santé belge figurent parmi les plus performants au monde. Face aux évolutions que nous connaissons actuellement et à la réalité des enjeux financiers, il nous montre aussi ses limites.

Les besoins de soins et d’accompagnement d’une personne en fin de vie, la douleur des proches à la perspective de la perte font que, dans certaines situations, ces limites sont difficiles à vivre pour les personnes concernées.

Par exemple, quand le retour à domicile s’avère impossible, devoir intégrer une MRS inconnue pour y vivre sa fin de vie, constitue une nouvelle épreuve éprouvante pour la personne et pour ses proches quand ils ne se sont pas préparés à une telle éventualité.

En tant que formatrice, je côtoie le personnel soignant des MRS depuis plus de 8 ans. Régulièrement, certains soignants m’expriment leur désarroi quand un nouveau résident est accueilli dans leur MRS pour y finir ses jours. Visant à lui offrir une attention particulière et à l’accompagner au mieux, les soignants n’ont pas toujours le temps d’apprendre à le connaître comme ils le souhaiteraient, avant que celui-ci décède.

Le suivi du nouveau résident en fin de vie par des infirmier(e)s palliatifs de seconde ligne et leurs dialogues avec les soignants et la personne référente palliative au sein de la MRS a d’autant plus de sens et d’importance dans ces situations.

De nombreuses initiatives sont prises au sein des MRS et de nos institutions pour garantir des soins palliatifs de qualité. Beaucoup de défis sont encore à relever à différents niveaux en vue de parvenir à optimiser la qualité de vie pour le patient et pour sa famille durant le temps qu’il lui reste à vivre, comme nous l’indique la loi de 2002.

La considération de la finitude et de la fragilité inhérente à l’humain, la promotion de la valeur du « prendre soin » comme de la culture palliative constitue, plus que jamais, un enjeu majeur dans les débats actuels et à venir au niveau de notre société et de la gestion de nos soins de santé.