L’incertitude, la mal-aimée
Une opinion de Sylvie Jamar, formatrice au CEFEM
Vivre l’incertitude, c’est comme vivre l’amour vache, puissante créatrice d’inattendus heureux et féroce initiatrice de tensions intérieures.
Peu présent de notre vocabulaire journalier, ce terme est apparu régulièrement dans les médias depuis que le coronavirus est entré dans notre quotidien.
Le contexte actuel n’est plus à rappeler. Certaines conséquences de la crise sanitaire sont déjà observables aujourd’hui. Chacun peut les observer dans sa demeure, au sein de son entourage, dans ses lectures et simplement dans tous les médias qui nous entourent.
Que cela soit lié au virus même ou engendré par les mesures gouvernementales prises pour faire face au virus, les conséquences observables concernent majoritairement une augmentation globale de l’anxiété et de la dépression liée à la santé de nos proches ou à leur avenir professionnel. Ces conclusions présentes dans de nombreuses analyses mettent également en avant une augmentation de la vente de produits pharmaceutiques concernant les troubles du sommeil, la création de doutes ou de colère liée à une multitude de dialogues contradictoires, une réflexion quant à notre mode de vie ou encore un changement radical de nos habitudes.
Tout comme le caractère global de notre société d’aujourd’hui, l’impact de la crise sanitaire suit cette même tendance à large spectre en affectant notre économie, notre vie sociale, nos relations, nos habitudes, notre santé mentale.
Il n’y a rien de nouveau.
Nous vivons dans un environnement toujours plus complexe. Complexe par le volume d’informations accessibles et disponibles à traiter chaque jour. Complexe aussi par le nombre et la rapidité de tâches diverses présentes dans une journée, qui nécessitent une série de choix, et donc de directions, à prendre et à offrir. Ces décisions fréquentes font quotidiennement bouger l’environnement de celui qui les a prises, et également l’environnement des autres, sans qu’il ne s’en rende nécessairement compte.
Cet environnement complexe existait déjà avant la crise sanitaire actuelle. La crise sanitaire n’a été qu’un élément supplémentaire évident à notre environnement déjà complexe en l’état.
Notre civilisation fonctionne sur des systèmes de croyances et de codes qui permettent d’instaurer de l’ordre et donne l’illusion d’atténuer le désordre, l’incertain, le complexe.
Or, dans la nature, tout repose sur un équilibre instable en constante mouvance. Le désordre est indissociablement mêlé à l’ordre, ainsi que l’incertain est indéniablement lié au mouvement.
Les sciences mêmes sont vivantes et possèdent des informations contradictoires. Selon Edgar Morin, « la science est une réalité humaine qui, comme la démocratie, repose sur les débats d’idées ».
L’incertitude fait partie intégrante de notre réalité de tous les jours. Seulement aujourd’hui, nous la voyons un peu plus qu’hier.
L’incertitude peut-elle être notre amie ?
S’il existait une baguette magique du bien-être, nous le saurions déjà. Cela ne ferait que générer une autre illusion.
L’incertitude est indissociable de la vie. Invisible, inhérente à la nature, au changement et à la transformation. Dès lors, autant s’en faire une alliée et l’emmener consciemment avec soi au quotidien.
L’incertitude nous entraîne à explorer diverses émotions dont certaines émotions inconfortables.
L’incertitude nous secoue et nous rappelle, parfois gentiment, parfois brutalement, de regarder le présent d’un peu plus près et agir dans ce présent.
Alors qu’auparavant il nous arrivait de planifier des actions sur le long terme, l’incertitude que nous vivons aujourd’hui nous pousse à poser des actions à plus court terme.
De plus, alors que nous nous engageons dans des actions sur le court ou le long terme, la situation actuelle nous stimule aussi à réduire notre attachement au résultat. Notre attention et intention orientées vers la réalisation, notre détachement du résultat qui en découle.
De par sa nature même, l’incertitude nous ramène au présent, à l’humilité et l’acceptation.
Chacun a la capacité de vivre avec l’incertitude de manière plus douce, en prenant soin de soi, en se focalisant sur l’intention et non le résultat, en se réjouissant des petits pas aboutis, ainsi qu’en amenant avec soi un regard curieux et lucide sur ce qui se vit en soi et autour de soi au quotidien.