« Ce n’est pas la mort qui est indigne, c’est l’absence d’accompagnement » Marie de Hennezel
par Eléonore de Neve, infirmière en soins palliatifs et chef de projet au Cefem
Une personne en fin de vie se distingue par l’étape de son existence qu’elle se prépare à vivre, étape qui sera la dernière de son passage sur terre, l’ultime, et qui sera vécue de manière aussi personnelle que l’aura été la traversée de sa vie.
Il n’existe pas de profil spécifique de la personne en fin de vie. Chaque individu est unique et se différencie par son vécu, l’expérience de vie qui sera la sienne, par les choix qu’il aura entrepris tout au long de sa vie et jusqu’à sa mort. Sa culture, ses racines, sa famille, son éducation, ses croyances spirituelles, les questions existentielles qu’ils se sera posées durant sa vie font de lui cet être unique que nous rencontrons.
Même s’il est évident que la prise en charge de chaque patient sera adaptée à ses besoins propres et restera individualisée, nous pouvons malgré tout observer auprès de ces personnes, des points communs, des ressemblances. Le parcours de santé qui les a conduits à ce stade peut les avoir ouverts à de semblables attentes, des besoins ressemblants. Leurs jours sont « comptés », leurs forces vitales faiblissent et ils se voient contraint de revoir leurs conceptions de la vie.
« Le mourant est un vivant jusqu’au bout, il demeure un sujet et un être de désirs, jusqu’au bout capable de s’accomplir et porteur d’une histoire qui lui appartient jusqu’à la dernière seconde de sa vie » M. Gomas
Notre rôle de soignant sera de mettre tout en œuvre pour que la fin de vie du malade soit la plus douce et sereine possible. Œuvrer avec les moyens appropriés pour discerner ses besoins, ses détresses et ses désirs, afin de lui conférer une qualité de vie maximale, sans prolonger ou abréger celle-ci.
Pour cela, beaucoup de facteurs rentrent en considération : l’état physique bien entendu, mais aussi, relationnel, spirituel, existentiel, … Nous devons pouvoir détecter les signes de détresse, de souffrance, de besoin de présence …. Et simplement « ETRE » là. Etre dans l’empathie et l’inventivité pour offrir un maximum de confort et sérénité au patient.
Mr X est arrivé dans le service dans un très mauvais état physique. Nous ne connaissons pas grand-chose de lui si ce n’est qu’il était garde forestier. Il ne sait plus parler, son regard est fixe. Un matin, alors que la soignante s’apprête à commencer les soins, elle décide de déplacer son lit vers la grande fenêtre qui donne sur le jardin avant de mettre toute sa présence et sa bienveillance dans chacun de ses gestes. Lui offrir la vision de l’extérieur, des arbres et du ciel, comme ce qu’il avait l’habitude de côtoyer avant… Mr X décidera de mourir moins d’une heure après.
Lorsque nous nous trouvons face à un patient, afin d’en prendre soin le mieux possible, il est important de garder à l’esprit toutes les étapes par lesquelles il a dû passer pour arriver jusqu’ici (anéantissement, solitude, espoirs/désespoirs, renoncement, acceptation ou non, …) et conserver une vision entière de sa personne, en prenant en considération tout son vécu.
Pour le malade, il s’agit de la dernière occasion de vivre, de dire ou de partager des choses qui lui tiennent à cœur… Nous devons être à l’écoute, ouvert, à tous les messages, cachés ou non, que la rencontre offre.
Prendre du recul et de la hauteur face à une situation.
Tenter d’ouvrir notre regard sur la personne dans son ensemble, sa globalité.
Se permettre de penser au-delà du « cadre » traditionnel de l’institution, quitter un instant le manteau de « soignant » pour ne revêtir que celui d’humain devant un autre être humain.
Evaluer ce qui permettrait d’augmenter le bien-être de la personne en fin de vie.
Susciter le dialogue, de cœur à cœur.
Faire de son mieux… et puis passer le relais à ses collègues, en toute confiance, pour ne pas être seul à porter le poids de l’accompagnement.
« Les soins palliatifs, c’est tout ce qu’il reste à faire… lorsqu’il n’y a plus rien à faire »
Therèse Vanier
Le personnel soignant n’est pas le seul à prodiguer apaisement au patient souffrant, toutefois, il est de son devoir d’en percevoir les attentes, de lui permettre une réflexion ou l’approfondissement d’un questionnement, de lui offrir un temps ou le cœur et l’âme de celui qui va partir peuvent s’ouvrir.
« Je suis élève infirmière, écrit une patiente, je vais mourir. (…) Je me trouve donc devant un mur solide et désert qui est tout ce qui me reste. Je suis le symbole de votre peur, quelle qu’elle soit, de votre peur de ce que pourtant nous savons que nous devons tous affronter un jour. Vous vous glissez dans ma chambre pour me porter mes médicaments, pour prendre ma tension et vous vous éclipsez une fois votre tâche accomplie. De quoi donc avez-vous peur ? C’est moi qui meurs. J’ai conscience de votre malaise et je ne sais que dire ni que faire. Mais je vous prie de m’en croire, si vous vous souciez de moi, vous ne pouvez pas me faire de mal. Admettez seulement que vous avez ce souci, je n’ai besoin de rien d’autre. Ne vous sauvez pas. Patientez. Tout ce que j’ai besoin de savoir c’est qu’il y aura quelqu’un pour me tenir la main au dernier moment. J’ai peur. (…) Il y en a des choses dont j’aimerais vous parler ! Cela ne vous prendrait pas tellement de temps. Est-il vraiment exclu que nous communiquions comme des personnes, de façon à ce qu’à l’heure où ce sera mon tour de mourir à l’hôpital, j’aie auprès de moi des amis ? »
Tubiana M., Le refus du réel
Il n’y a pas de recette toute faite pour accompagner un mourant. Mais mon expérience a montré que de se remettre en question, de faire un travail sur soi, sur sa pratique, tant personnelle qu’en équipe, améliorait la prise en charge si particulière pour nos patients. Enfin, pouvoir échanger avec d’autres soignants enrichit notre réflexion, notre vécu et offre de nouvelles pistes de travail.