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Autonomie, maintien à domicile et soins palliatifs

Il nous semble intéressant de partager avec vous une réflexion menée en multi-disciplinarité lors de la participation du Cefem au Colloque « Rencontre de l’autonomie et du maintien à domicile » organisée par le SISD Bruxelles le 22 novembre dernier.

Cette réflexion concerne la question du maintien à domicile d’un patient sous statut palliatif, avec la volonté de respecter son autonomie.

Historiquement le Cefem s’est essentiellement centré sur les formation en MR et MRS et en hôpital.  De plus en plus il nous parvient des demandes d’intervention auprès d’Asbl diverses et variées dont les membres ne sont pas des professionnels de la santé stricto sensu mais qui ont tous en  commun d’être impliqués dans l’accompagnement de personnes âgées ou en fin de vie, que celles-ci soient en institution ou à domicile.

Autonomie, maintien à domicile et soins palliatifs sont trois notions qui s’imbriquent et doivent être abordées ensemble. Nous allons les parcourir une à une et les faire se rencontrer.

Parler d’autonomie quand tout va bien, cela ne pose pas de problème. Dans cette situation – quand tout va bien – il est possible d’exercer tous ses droits, pour autant qu’on les connaisse, et de profiter de toutes ses libertés. Et quand bien même on ne les connaitrait pas, il est possible, quand on est autonome et indépendant, de se renseigner, d’aller chercher de l’information, des conseils, de l’aide … La notion d’autonomie d’une personne en bonne santé est bien compréhensible, elle ouvre à tous les possibles, tenant compte d’un environnement présentant, comme partout et toujours, des contraintes.

Là où cela se complique, c’est effectivement quand cela va moins bien, que certaines contraintes plus évidentes apparaissent. Certains diront que l’autonomie n’est pas synonyme d’indépendance, mais qu’elle représente la capacité à gérer les dépendances.

Il appartient donc  à chacun d’avoir une réflexion personnelle  quand il s’agit de vouloir assister une personne en perte d’autonomie : sur quel type de dépendance vais-je intervenir ? Mon intervention est-elle adaptée, ajustée à ce type de dépendance ? Est-ce que je ne dépasse pas le cadre de ce qui m’est demandé, même si c’est par souci de bien faire ? …

Lorsque l’on intervient auprès d’une personne en perte d’autonomie, il est important que chaque professionnel ou non professionnel, réfléchisse au cadre de son intervention pour respecter le bénéficiaire d’une part, et ne pas être trop « interventionniste », mais aussi parce que chaque intervenant a des compétences propres, qu’il importe de respecter pour maintenir la qualité de chaque prise en charge  concernée.

La décision du maintien à domicile d’une personne qui est en perte d’autonomie, nécessite donc de faire un bilan au préalable, mais aussi des réévaluations régulières de la part de chacun, et ce sur plusieurs plans.

…en fait,  qui prend réellement la décision du maintien à domicile ? Car en effet, cette décision concerne tout autant la personne qui reste à domicile, que ceux et celles qui l’entourent: cette décision est-elle prise par la personne qui restera à domicile malgré ses diverses dépendances et besoins en aide à la vie journalière ? Ou bien cette décision revient-elle au médecin ? … ou aux  proches? En effet, ceux-ci  prennent tout de même un fameux engagement pour pouvoir répondre aux divers besoins de la personne en perte d’autonomie…  A tout moment, il pourrait apparaître que cette décision initiale, devient petit à petit une sorte de « devoir moral » que s’imposent, ou qui s’impose, aux proches. Le maintien à domicile risque alors de devenir lourd, pesant …

 

Nous pensons tous à ce parent que l’on a « décidé » de garder « à la maison » et qui a déjà eu du mal à accepter les repas à domicile (allez  3 fois par semaine, … mais pas le dimanche, n’est-ce pas, vous viendrez quand-même manger avec moi, les enfants !), et puis, il a fallu la tribune pour se déplacer dans l’appartement, mais alors il faut supprimer les tapis (… mais pas celui qui est à côté de mon lit, je l’ai toujours eu dans ma chambre, même quand Papy vivait encore …),  et puis l’aide d’une infirmière pour la toilette le matin (… non mais tu te rends compte, tous les jours ce sont des différentes, et elles viennent à n’importe quelle heure ! …), ou encore , et de manière si culpabilisante sans intention de le faire ! : …tu sais je suis si seule  l’après-midi, c’est long, … alors, un voisin propose de passer, … mais il ne passe pas quand le facteur arrive, alors qui va lui ouvrir la porte, au facteur ? Et puis finalement, il faut aussi quelqu’un pour la nuit, alors on fait une tournante entre les enfants qui resteront dormir …

 

On le voit dans cet exemple, de nouveaux besoins apparaissent au fur et à mesure, mais également une charge physique et morale de plus en plus importante, et une implication grandissante des proches. C’est à ce moment, que l’on peut voir apparaître l’épuisement de ceux-ci. Mais à ce moment, qui a le rôle, voire le courage de refaire un bilan de la situation ? Ce bilan comportera en effet de nouveaux paramètres : il n’y aura plus uniquement l’autonomie du patient qui est en jeu, mais aussi la santé et l’équilibre physique et émotionnel des proches et aidants proches.

À un moment donné viendra peut-être aussi se poser la question de savoir si, au niveau médical, la situation n’est pas dépassée à domicile ? Qui peut trancher cette délicate question qui relève essentiellement de l’éthique : à quelle valeur donne-t-on la priorité ? Au  confort moral du patient qui désire rester à domicile même si les meilleurs soins médicaux ne peuvent pas lui être apportés ? Ou bien à une logique de l’art de guérir à tout prix qui demanderait que le patient soit hospitalisé pour recevoir les meilleurs soins médicaux ? Qui décide de cela ?

Cette situation est tellement fréquente. Elle nécessite de la part de l’entourage beaucoup de courage d’abord car il faut parfois prendre des décisions très difficiles et pour lesquelles on a tendance à culpabiliser. Il faut de la clairvoyance, car si le patient peut être très « patient » justement, et gratifiant, il peut aussi parfois être ou devenir difficile et très égocentré : comment prendre du recul ? Comment s’autoriser à se ménager des temps de repos ? Ce sont des questions qui doivent systématiquement faire partie du bilan à réaliser au cours de tout accompagnement et maintien à domicile de personnes en perte d’autonomie.  Prendre le temps d’évoquer ces questions avec tous les intervenants permet à chacun de reprendre son souffle, de réfléchir à des solutions qui pourraient permettre de prolonger le séjour à domicile, ou au contraire de se rendre compte que la situation est dépassée tant pour le confort, le bien-être et la sécurité du patient, que de celui de ses proches.

Comment préparer/anticiper un maintien à domicile confortable à long terme ?

L’on parle actuellement beaucoup de cet outil qu’est le plan de soins personnalisé et anticipé (PSPA). De quoi s’agit-il et en quoi cela peut-il être intéressant dans le cadre d’un accompagnement d’une personne en perte d’autonomie à domicile ?

On vient d’aborder la difficile question de certains choix à poser. La philosophie de base du plan de soins personnalisé et anticipé est celle-ci : plutôt que d’attendre la survenue d’un évènement tragique, d’une maladie, d’un accident, ou simplement l’évolution défavorable d’un état de santé qui se dégrade, pourquoi ne pas prendre le temps d’en parler quand tout va bien ?

Il est de la responsabilité du patient, mais peut-être aussi celle de tous les professionnels, d’aborder avec beaucoup de délicatesse des questions telles que : « Comment et jusqu’à quel point je supporte la dépendance et la perte d’autonomie ? Avec qui ai-je déjà abordé la question de ma fin de vie? Avec mon médecin, avec mes proches ? Quels types de soins je ne souhaite  pas ? Ai-je déjà réfléchi à ce qui est important pour moi ? L’ai-je dit aux personnes qui pourront en témoigner en temps utile ?  Quelles sont mes craintes et qu’est-ce que je ne souhaite absolument pas ? … » Ceci dit, faire des choix  pour  sa santé et pour son confort physique et moral, cela nécessite avant tout d’être informé sur les possibilités existantes afin de pouvoir exprimer ce que je souhaite en connaissance de cause. C’est aussi important de pouvoir en parler avec les proches et les soignants qui devront également se positionner par rapport à leurs propres valeurs et se demander jusqu’où ils sont capables d’accepter et de respecter les choix du patient  au cours de leur accompagnement, qui peut aller jusqu’à la fin de vie.

Ces notions d’autonomie et de décision de maintien à domicile sont particulières quand il s’agit d’un accompagnement à domicile d’une personne en soins palliatifs.

Au cours de notre expérience, nous avons tous vu des vieillesses sans complication majeure si ce n’est la diminution de la force vitale : on dit souvent de ces personnes qu’«elles diminuent comme une bougie qui s’éteint tout doucement». Cette diminution des forces vives nécessite bien sûr de l’aide à la vie journalière.

Mais à côté de ces vieillesses relativement paisibles, il existe des patients âgés malades extrêmement agités, douloureux … et pour lesquels les traitements en cours ne permettent plus d’enrayer ces symptômes. C’est alors que l’on parlera de soins palliatifs. Toute une batterie d’aides et de soins doit être mise en place pour tenter de soulager cette souffrance et de diminuer au maximum les symptômes désagréables de la maladie. Il s’agira d’un ensemble de soins multidisciplinaires qui demanderont une importante coordination de tous les acteurs rendant possible le maintien à domicile du patient sous statut palliatif.

La raison pour laquelle ont attribue un statut palliatif à un patient est d’abord et avant tout qualitative : se mettre dans l’esprit des soins palliatifs et attribuer un statut palliatif à une personne témoigne du fait que l’on prend ensemble la décision de « valoriser pour le patient le temps qui lui reste à vivre».

Cette prise en charge qualitative repose sur 3 « leitmotivs » :

  • privilégier la qualité de vie et l’autonomie du patient
  • rechercher le confort de tous, patient et entourage
  • contrôler les symptômes gênants et douloureux de la maladie

Avec quels moyens ?

  • prise en charge globale
  • soutien d’une équipe multidisciplinaire pendant la maladie
  • soutien aux aidants proches y compris dans le deuil

Concrètement, il existe diverses aides financières, mais aussi qualitatives à destination du patient et de ses proches. Pour en savoir plus à ce sujet, nous vous invitons à contacter Palliabru.

Rencontre entre l’autonomie, versus la dépendance, le maintien à domicile et les soins palliatifs 

Lorsque l’on parle de « maintien à domicile », cela veut dire que cela ne va plus de soi. Jusqu’à ce jour, personne n’a dit de moi qu’il voulait me maintenir à domicile, ni d’ailleurs moi-même, je vis chez moi naturellement, sans que personne ne se pose la question de savoir s’il faut m’y maintenir.

Ceci veut donc dire que la question du maintien à domicile se pose quand il y a perte d’autonomie, et donc dépendance.

Même si les diverses aides financières et qualitatives ne rendront jamais la santé à un bénéficiaire, elles permettent au moins de tenter de donner aux proches certaines facilités pour l’accompagner au mieux à domicile.

Et quand bien même, toutes ces aides seraient mises en place, s’il n’y avait une collaboration et une coordination efficace de tous les intervenants, elles n’en produiraient pas tous leurs effets bénéfiques.

Chaque intervenant aura sa juste place autour d’un patient dès lors que celui-ci reste au centre des préoccupations de tous. Ce maillage de l’accompagnement d’un patient à domicile nécessite une excellente coordination.  Chacun a une place importante, et si un seul intervenant  n’est pas à sa juste place ou présente une faille qualitative, c’est l’ensemble de l’accompagnement qui  s’en ressent au détriment du patient.

Il faut donc se parler, échanger, observer, anticiper, être créatif, oser s’affirmer dans ses compétences, et être conscient de l’apport que l’on représente pour le patient. Il n’y a pas de rôle plus important ou moins important, de plus grande place ou de plus petite place, … chacun a un rôle d’importance pour ce qui le concerne.  Et la grande difficulté, mais également la grande richesse d’un accompagnement, résidera toujours dans la tolérance et l’intérêt que l’on portera tant à l’égard du patient et de son entourage, qu’à l’égard de tous les intervenants. Chacun tissera autour et au bénéfice du patient, un maillage qu’il faudra régulièrement remettre sur le métier … tous ensemble.

Il n’y a pas de recette, pas de document-type, pas de plan de soins parfait, …

Ce sera chaque fois une nouvelle façon de travailler car aucun patient, aucune famille, aucun PSPA, aucune situation, aucun professionnel n’est pareil à un autre,… et nous ne sommes d’ailleurs pas pareils à la personne que nous accompagnons… .

«Traite autrui non pas comme tu souhaites être traité mais comme lui souhaite l’être» Gilbert Hottois

Mots auxquels j’ajouterai «  … et non pas comme je pense qu’il le souhaite mais comme lui l’a exprimé… »

Isabelle de Cartier